lundi 21 décembre 2015

Lectisterne sibyllin


                                                                                                           Ubi tu Gaius ibi ego Gaia


      Le jour opalescent déjà a déserté la chambre. Âmes cousues de fil blanc. Le serpent mordoré d’obscurcis souvenirs se dévore. Candeur désamorcée, je mourrai seule de ce dos qui s’éloigne.
      Jaillissement de stupeur. Je ne voulais pas pleurer. Océan où je tangue dangereusement, les larmes ont un goût d’algues. Dans ma bouche les miettes d’albâtre du passé, fragrances opiacées, aiguës, acérées. L’amertume du sang, l’absence, le défaut d’imagination…
      Personne ne me dira jamais. Par mes orbites excavées, la logorrhée de mon cœur céladon. Étaient-ce mensonges ? Souffle évanescent des mots de porcelaine. Elle n’osa pas le dire. Paupières décousues, elle n’osa pas le dire. Jamais on ne m’apprit.
      Qui, dans ces rades oubliées ? Battements affolés sous le regard diffus des quinquets. Vert aède endormi au pied de mes murailles. Apprends-moi. Dédaigne les sirènes à la langue fourchue, aux béantes muqueuses. L’ignorance insouciante, insidieuse belladone. Je veux bien musarder dans le silence. Je clouerai un bâillon sur les lèvres impatientes de cette enfance chimérique qui revient, et qui crie. Ne plus la laisser m’égarer.
      Quiet cavalier. Mains impavides. Tu mâches l’ivraie, j’avalerai avant toi. Entre nous le diable aux yeux garance. Nul ne le découvrira. Je me tuerai encore, nonobstant la face quinaude des saisons. La chambre striée, stryge au volet crucifiée, les ailes du lendemain lentement se déploient. Au gibet de mon mur l’ombre de nos cœurs nus se balance.
      La sanglante éclosion est toujours à venir.

vendredi 9 octobre 2015

Sans retour



Octobre
Cimetière
De feuilles éparses
Salies
D’anciens serments
Éternels
Qui bruissent
Sous la course
Éperdue
De ma mémoire
Fanée
Exhalant
L’acide parfum
De la fidèle
Amertume



jeudi 17 septembre 2015

Pluie


Dedans il pleut
Dehors il y a autant de larmes dans mes yeux
Miroir de moi devenue
Une mouvance de l’espace
Il m’élevait de toutes ses mains
Héroïne du romanesque
Celle dans les jours du volet
Le visage grave d’une mort du jeu
Maintenant il pleut
Reste l’image des draps épars
Ses doigts gravés dans mes épaules
Il m’aimait tout contre l’oreille
Souffles en minutes jumelles
Ô confidences des mémoires
Il pleut autant de larmes dans mes yeux
Secret miroir
Lui au loin
Moi je reste
A mon devoir
Derrière la fenêtre du premier regard
Lui au loin moi hors du livre
Dehors il pleut
Dedans il y a autant de larmes dans mes yeux

mercredi 17 juin 2015

Revoir Paris



Toujours je me souviens de ces aurores rondes
Où nos âmes mêlées allaient l’amble
Deux de mes pas pour chacun des tiens
Mais ma main dans ta main
Le trottoir éthéré sous nos pieds
-Paris jamais plus ne me sembla si jeune-
Et toute la promesse de la journée
A l’horizon de nos regards
Prendre un crème au coin d’un bar
Humide poisseux mais qu’importe
Puisque le jour était à nous
Parler de rien et puis de tout
Et de toujours
Rire sans raison
S’émouvoir
D’un geste d’un pli au coin de l’œil
Et puis marcher solitaires dans les rues indistinctes
Comme si la foule fugitive n’était pas
Sourire à un pigeon miteux
De l’enseigne d’une boutique poussiéreuse
D’un hôtel plus décati que borgne
Rue Vieille du Temple
Etre deux
Noués du même désir
Puis franchir
Heureux
Le porche solennel
Du musée Picasso

lundi 25 mai 2015

De l'Est



Ton ombre, elle, ne me quitte pas
Elle a la couleur du temps
Des souvenirs que je traîne derrière moi
Jamais elle ne me perd
Et la nuit se couche près de moi

Au bord de la Moselle
Entre les sarcophages des hommes d’avant
Que la nature mange
Elle s’assoit contre moi
Pour que j’aie moins froid

Personne ne la voit
Ni ne sait qu’elle est là
Les amoureux s’aiment
Les sportifs se suivent
Les promeneurs rêvent
Elle me parle tout bas
Du temps qui ne reviendra pas
Me dit qu’elle n’oublie pas
Et je la crois


jeudi 19 mars 2015

Rebelle 1993



je me rirai des orateurs
des sermons sentencieux
des discours sous blister
je me rirai des convenances
des rodomontades sous vide
des proverbes mal venus
je me rirai hier aujourd’hui demain
des vieilles Cassandre
des mises en garde plastifiées
des lois indéboulonnables
et des cachots
et des potences
et des gibets
même dans les fers
des dialogues rogues
des diatribes blessées
désamourées
désamorcées
désabusées
je me rirai
d’eux tous
de tout
secrète
amante
amoureuse




samedi 14 février 2015

Février noir



Février noyait de nuit
Le bitume crevassé de solitude
Au loin un quinquet solitaire
Attirait les ombres délaissées
Prêtes à se brûler les ailes
A son jeu dérisoire
Je ne voyais personne
Allant invisible
Dans les rues au charme frelaté
Derrière la buée des vitres des bistrots
Jouaient les marionnettes du samedi
Pour un public de voyeurs
Désabusés
J’aurais voulu
Aussi
Jouer
Mais
Inapte
Inutile
Je ne savais que dire
Mon désarroi
Aux lampadaires moribonds
Des rues divorcées du bruit
Et de la vie
Je ne m’encanaillais
Qu’avec moi-même
Et solitaire buvais
La lie de mes heures
A la santé seule
De mes espoirs déchus

mardi 20 janvier 2015

Autel



Souvenirs
Cierges mourants
Sur l’autel
Pulvérulent
De mes horizons perdus